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Parution de La Résolution des problèmes, Puf

La sortie du prochain volume de textes de Gilbert Simondon est prévue pour fin février 2018 aux Puf.

La Résolution des problèmes, 354 pages, contient les études suivantes :

 

- L'Homme et l'objet

- Analyse éthologique de l'objet

- La Résolution des problèmes

- Invention et créativité

- La Perception de longue durée (avec un extrait du rapport d'activités sur cette recherche)

                    

Extrait 1: Analyse éthologique de l'objet

On en revient à l’individuation. Qu’est-ce qui découpe les objets dans le monde et leur confère une individualité ? Ce n’est pas le simple usage pragmatique qu’en fait chaque sujet, car il est labile, révocable, fluent, alors que l’objet possède une indéniable stabilité empirique. Ce n’est pas non plus une propriété absolument primordiale de l’être substantiel, un fondement éternel des monades, car les objets et leur découpage, leurs couplages et découplages, se trouvent soumis à un devenir changeant par masses, selon des étapes en nombre restreint mais non nul.

            L’objet est premièrement et existentiellement supposé être un autre organisme ou produit ou annonce d’organisme, ou encore groupement d’organismes. Un gland est un objet non pas seulement parce qu’il est, pragmatiquement, aliment ou semence, et non pas seulement encore parce qu’il contient l’essence individuelle complète d’un Chêne, avec la formule de l’espèce et de la variété. Il est un objet réellement et pour la rencontre perceptive, existentiellement et selon la perception concrète, éthologique, parce qu’il est un aspect de l’éthologie du Chêne (graine détachable qui roule sur les pentes et est protégée par une écorce lisse), et que cet aspect réel de l’éthologie du Chêne se rencontre avec l’éthologie d’autres espèces, mangeuses de glands ou planteuses de Chênes. L’individualité du gland, qui le fait objet, exprime et constitue (fonde) une compatibilité fonctionnelle entre le fait d’être individu comme graine (détachable, transportable, protégé, en dormance), le fait d’être individu comme objet comestible (peut être ramassé seul, sans les herbes et sans la terre sur laquelle il repose, tout propre, et stocké), et enfin d’être individu comme semence pour le pépiniériste et le planteur.

            La symbiose des espèces ne repose pas seulement sur une rencontre de fait entre ces aspects multiples venant à se compatibiliser ; la compatibilité est amplifiée, acceptée, utilisée, institutionnalisée par des manifestations ; le mode d’apparaître du gland (couleur, forme, luisance) le désigne aux organismes comme organisme, comme objet individualisé et valué ; le gland a des phanères ; il n’est pas seulement une graine avec des réserves de fait ; il se fait percevoir comme tel, il a des signaux pour être perçu, et pas seulement des propriétés ou des tendances intrinsèques, internes, cachées ou obscures. L’individu est en même temps phénomène, ce qui augmente et rend sélectif son couplage aux autres espèces, négativement par dissimulation pour les unes, positivement par accentuation pour d’autres. La perception n’est pas seulement une saisie de l’objet passif et involontaire par le sujet, elle est préparée et amorcée par un display, une signalisation de l’objet pour être perçu par des êtres vivants de même espèce ou d’espèce différente. La perception de l’objet porte sur un réel fonctionnel rehaussé et préparé par une signalisation.

            L’archétype de l’objet est donc un organisme, un fragment d’organisme, un organe, une graine, ou un trait exprimant cet organisme, et qui renvoie à lui ; la perception se développe et s’organise autour de cet objet classé selon la rubrique opératoire et affectivo-émotive de sa valence (proie, partenaire, aliment, jeune…).

 

Extrait 2: Invention et créativité

Cet exposé ne fait place qu’aux principaux témoins de l’histoire de la pensée philosophique grecque. De manière générale, tous les Présocratiques n’ont pas été cités, et l’étude a porté seulement sur la philosophie présocratique en ses débuts, laissant de côté l’œuvre de Parménide, celle d’Empédocle et enfin celle d’Anaxagore, qui sont toutes de type syncrétique, mais tendent vers une systématique annonçant celle de Platon. À l’époque de Platon, il conviendrait de citer l’œuvre des plus importants des Sophistes, analytique comme celle de Socrate et de Platon, mais sans supposition de transcendance, et considérant les points principaux de la réflexion comme d’origine humaine, ce qui annonce en une certaine mesure l’aristotélisme (voir le Sophiste et le Gorgias de Platon).

            Il serait possible aussi de prendre pour exemple la succession des modes de pensée syncrétiques à la Renaissance, analytiques avec le dualisme cartésien, puis synthétiques avec les théories du développement ou de la double nature empirique et transcendantale de la connaissance selon le relativisme kantien.

            Dans ces conditions, il faut considérer la philosophie comme un mode de pensée capable de véritables inventions, à la manière de la pensée technique, selon le rythme en trois phases syncrétique, analytique et enfin synthétique. Ceci ne veut pas dire que la philosophie soit toujours première par rapport aux autres modes de pensée (artistique ou religieuse par exemple), mais qu’elle possède un statut majeur de pensée inventive réelle.